LES TRIBULATIONS DU CORPS DE SAINT LOUIS

Louis IX est mort très loin de chez lui – de l’autre côté de la Méditerranée – le 25 août 1270. Or, il est enterré à Saint-Denis le 22 mai 1271, soit neuf mois plus tard : dans quel état était le corps du roi, quel type de dépouille a ainsi été portée en terre ? Si le Moyen Âge ignore les techniques de l’embaumement, il pratique le démembrement des corps afin de rapatrier des cadavres devant entreprendre un long voyage.

Saint Louis sur son lit de mort.

Saint Louis sur son lit de mort. Les Chroniques de France ou de Saint-Denis - France, Paris, entre 1332 et 1350

Mahiet, Maître du Missel de Cambrai - Royal 16 G VI - f° 444v © British Library

Morcellement de la sainte dépouille

 

On fait ainsi bouillir le corps dans du vin et de l’eau afin de détacher les chairs molles des os. Les chairs, dorénavant appelés « le bouillon » sont conservées dans une vasque, les os soigneusement entreposés dans un reliquaire. Le cœur fut extrait avec un soin particulier puis couvert de baumes et d'aromates et entouré de bandelettes de lin. Traitement permettant de le conserver à peu près intact.

Monnaie commémorative 8ème croisade – Charles d’Anjou  Îles Cook 2016 - 5 Dollars
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Où l’enterrer ?

 

Charles d’Anjou voudrait récupérer le corps et le déposer dans une chapelle palermitaine. Il se justifie en expliquant que la Sicile n’est pas loin de Tunis, ce qui techniquement serait plus pratique. Philippe III le Hardi, le fils de Louis IX, dorénavant roi, n’est pas d’accord : son père doit reposer à Saint-Denis parmi ses ancêtres. L’enjeu réel de ce débat n’est nullement affectif ou pratique : il s’agit d’un débat politique lié au prestige de la dépouille de ce roi dont tout le monde soupçonne la future canonisation. Avoir le corps de Louis IX en ses terres, c’est aussi bénéficier de sa légitimité.

Un double enterrement

 

Un compromis est trouvé : les parties molles iront à Charles d’Anjou tandis que le squelette (et probablement le cœur) retournera en France. Le parcours du cadavre est bien entendu semé de miracles… Les ossements de Saint Louis ont par la suite été déposés dans une châsse, à Saint-Denis en 1298 tandis que son crâne a été transféré en 1306 à la Sainte-Chapelle.

Un corps éparpillé

 

En Sicile, près de Palerme, les entrailles sont données à l’église Monreale, qui les conserve jusqu’en 1860. Elles ont été ensuite été emportées en exil par François II qui venait d’être chassé du trône par Giuseppe Garibaldi. À sa mort, François II légua ces reliques au cardinal Lavigerie (archevêque d’Alger et de Carthage, fondateur de l’ordre des Pères Blancs) pour retourner en Afrique du Nord, lieu du décès de Louis IX. C’est là que, placés dans un reliquaire, ils seront offerts à la cathédrale de Carthage en mai 1890 lors de sa consécration, avant d’être transférés en 1965 dans l’église Sainte-Jeanne d'Arc de Tunis. Les entrailles du roi quittent l’Afrique du Nord en 1985 pour être déposées à l’évêché de Saint-Denis en 1985, puis à la cathédrale Saint-Louis de Versailles, en 1999.

Le squelette, quant à lui, n’en a pas fini de se déplacer et de s’éparpiller. De fait, Louis IX étant un saint, ses ossements sont des reliques sacrées fort réclamées. Ses descendants en ont donné de grandes parties, notamment Philippe le Bel qui a fort généreusement offert à nombre de souverains d’Europe des bouts de son grand-père… Certains furent gourmands : en 1616, Anne d’Autriche en reçut un morceau qu’elle estima trop petit. On lui offrit donc une côte entière. 

L’église de Montreale reçoit les reliques (entrailles) de Louis IX.

L’église de Montreale reçoit les reliques (entrailles) de Louis IX.

Jean de Senlis, vers 1340 - British Library, Royal 19 DI f° 227 

Cathédrale Saint Louis, Carthage, Tunisie, 1889.
Cathédrale Saint Louis, Carthage, Tunisie, 1889.

Curieusement, cet éparpillement avait ainsi sauvé quelques morceaux de la sainte dépouille d’une totale disparition : lors de la révolution Française, les cadavres royaux furent exhumés et détruits. Par ailleurs, un cœur est réapparu en 1843 siècle de quelque recoin de la Sainte-Chapelle, peut-être celui de saint roi…

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Commentaires: 4
  • #1

    mady marti (dimanche, 22 mai 2016 19:39)

    le fils de Louis IX , Philippe III le Hardi est mort à Perpignan en septembre 1285 . Son corps subira le même traitement , cest à dire le " mos teutonicum " Après cuisson , ses chairs et viscères seront ensevelies dans la cathédrale St Just de Narbonne et ses os seront rapatriés à St Denis où ils seront deposés auprès de sa première épouse Isabelle d'Aragon . Les tombeaux royaux seront décorés de gisants superbes de Jean d'Arras qui exixtent encore . Par contre le gisant de Narbonne sculpté en 1344 sera détruit le 10 aout 1789
    sources ; Robert Vinas , la croisade de 1285 en Roussillon et Catalogne , éditions TDO

  • #2

    Bintou (jeudi, 13 juin 2019 21:13)

    Je pense que c'est bien

  • #3

    Kergariou (mercredi, 29 avril 2020 09:17)

    En visitant Saint Denis ces dernières années, j'ai appris que le cercueil de Saint Louis n'avait pas été retrouvé à la Révolution. Il n'a ainsi pas pu être profané.

  • #4

    Lainox (jeudi, 13 août 2020 04:36)

    Ces tribulations de reliques saintes st passionnantes. Ce retour à Saint-Denis en 1985 (en plein débat sur l’école libre catholique) puis Versailles, symbole du Grand Siècle, n’a pas suscité les gros titres de nos gazettes en France car je le découvre aujourd’hui. Vive Internet et le temple de paris.