LE DÉBUT DES TEMPLIERS

Pèlerins sur la route de Jérusalem. Temple de Paris
Pèlerins sur la route de Jérusalem.

Peur et massacres sur les routes

 

Nombre des participants à la première croisade sont revenus chez eux une fois la croisade terminée et quelques-uns des pèlerins les ayant suivis ont choisi de s'installer en Terre sainte. En raison d'une immigration franque insuffisante, les États croisés manqueront toujours de combattants. Le roi de Jérusalem, le prince d'Antioche et les comtes d'Édesse et de Tripoli ne peuvent disposer en tout que de 2000 chevaliers. Les villes sont sécurisées, mais les voyageurs restent vulnérables sur les routes, s'exposant aux attaques-surprises de bandits et d'ennemis.

 

Saewulf de Canterbury, qui se rend en Terre sainte en 1102, décrit comment les groupes de pèlerins débarquant à Jaffa et empruntant la route de montagne menant à Jérusalem se font attaquer. Les pèlerins épuisés qui s'arrêtent en route ou les groupes dont la taille modeste les rend vulnérables sont des proies idéales pour les bandes de bédouins nomades qui vivent dans le désert avoisinant.

Les bandits n'hésitent pas à tuer pour s'emparer de l'argent cousu dans les vêtements des voyageurs. Les pèlerins laissent les cadavres de leurs compagnons le long de la route menant à Jérusalem, car il est trop dangereux de prendre le temps de procéder à un enterrement chrétien dans les règles.

 

Le danger provient non seulement des bandits, mais également des forces turques au nord et des Égyptiens au sud. Un Russe narrant son pèlerinage en 1106-1107 fait référence aux Égyptiens fatimides qui tiennent Ascalon, au sud de Jaffa, lorsqu'il décrit sa visite de l'église Saint-Georges, à Lydda, sur la route reliant Jaffa à Jérusalem : "L'endroit regorge de sources. Les voyageurs se reposent au bord de l'eau, mais dans un climat de terreur car il s'agit d'un lieu désert. À proximité se trouve la ville d'Ascalon d'où les Sarrasins sortent volontiers pour venir tuer les voyageurs empruntant ces routes".

Le voyage de ce Russe en Galilée, qui l'a amené près de la ville de Baisan, n'est pas moins dangereux : "Sept rivières partent de cette ville. De grands roseaux poussent le long de ces rivières et la ville est bordée de nombreux palmiers formant une forêt dense. L'endroit est terrible et difficile d'accès car de féroces Sarrasins païens vivent là, n'hésitant pas à attaquer les voyageurs au niveau du gué". Une attaque particulièrement épouvantable se déroule à Pâques 1019. Un groupe de 700 pèlerins non armés, constitué d'hommes et de femmes, est parti de Jérusalem en direction du Jourdain. Aux dires d'un chroniqueur allemand, ils voyageaient "dans la joie, le cœur léger" quand les Égyptiens sont sortis d'Ascalon pour les attaquer. 300 pèlerins ont péri et 60 ont été capturés pour servir d'esclaves.

Templiers escortant des Pélerins - Les voyages de Jhen - Les Templiers - Ed. Casterman. Temple de Paris
Templiers escortant des Pélerins - Les voyages de Jhen - Les Templiers - Ed. Casterman

Les Pauvres Chevaliers du Christ et du Temple de Salomon

 

L'ordre du Temple naît de ces conditions d'insécurité sur les routes et des meurtres, des viols, de l'esclavagisme et des vols dons sont victimes les pèlerins non armés. Ce n'est que peu de temps auparavant qu'un groupe de chevaliers français, dont en particulier Hugues de Payns, chevalier de Champagne et Godefroy de Saint-Omer, propose au patriarche de Jérusalem, Gormond de Picquigny, et au roi Baudouin II, qui a succédé à son cousin en 1118, de former, afin de sauver leurs âmes, une communauté laïque, voire de se retirer dans un monastère pour adopter une vie méditative. Mais Baudouin II, sensible à l'urgence des dangers auxquels sont confrontés les voyageurs dans son royaume, parvient à persuader Hugues de Payns et ses compagnons de sauver leur âme en protégeant les pèlerins sur les routes ou, comme l'a dit un chroniqueur, de faire vœu de pauvreté, chasteté et obédience, mais également de "défendre les pèlerins contre les bandits et violeurs". Le massacre de Pâques sur la route menant au Jourdain a pour effet de mettre en avant le point de vue du roi et, à Noël 1119, de Payns et ses compagnons prononcent leurs vœux devant le patriarche en l'église du Saint-Sépulcre, se surnommant les Pauperes commilitones Christi, les Pauvres Chevaliers du Christ.

Le roi et le patriarche ont probablement vu en la création d'une garde permanente pour les voyageurs une mesure complémentaire à la contribution des Hospitaliers  qui prennent soin des pèlerins à leur arrivée à Jérusalem. En 600 déjà, le pape Grégoire le Grand a commandé la construction d'un hôpital à Jérusalem pour soigner les pèlerins et, deux cents ans plus tard, Charlemagne, empereur du Saint-Empire romain, l'a agrandi pour le doter d'une auberge et d'une bibliothèque. Mais, en 1005, il a été détruit lors des violentes persécutions antichrétiennes du calife fatimide Hakim. En 1170, des marchands d'Amalfi obtiennent des Fatimides l'autorisation de reconstruire l'hôpital, dirigé par des moines bénédictins et dédié à saint Jean l'Aumônier, charitable patriarche d'Alexandrie du VIIe siècle. Mais, après la première croisade, l'hôpital est déchargé de l'autorité des Bénédictins et crée son propre ordre, les Hospitaliers de Saint-Jean, reconnu par le pape en 1113 et placé sous la seule juridiction de ce dernier.

 

Hugues de Payns et Godefroy de Saint-Omer devant le roi de Jérusalem Baudoin II. Temple de Paris
Hugues de Payns et Godefroy de Saint-Omer devant le roi de Jérusalem Baudoin II.

L'acceptation officielle du nouvel ordre intervient en janvier 1120, à Naplouse, lorsque les membres des Pauvres Chevaliers du Christ sont officiellement présentés à une assemblée de dirigeants laïcs et spirituels d'Outremer. Cette année-là, ils attirent l'attention d'un puissant visiteur en Outremer, Foulque, comte d'Anjou, qui, de retour chez lui, leur accorde un revenu annuel, mesure vite adoptée par d'autres nobles français, ce qui s'ajoute à l'allocation qu'ils reçoivent déjà des chanoines de l'église du Saint-Sépulcre. Le revenu global n'en demeure pas moins modeste. Pris individuellement, les Pauvres Chevaliers sont réellement pauvres et ne s'habillent que des vêtements qu'on leur donne. Ils ne possèdent donc pas d'uniforme distinctif (la croix rouge sur le manteau blanc n'apparaîtra que plus tard).

 

Ils reçoivent également un autre don. Après la conquête de Jérusalem en 1099, le roi a fait de la mosquée Al-Aqsa son palais. Mais, maintenant qu'il s'est fait construire un nouveau palais à l'ouest, il cède l'ancienne mosquée aux Pauvres Chevaliers, dans laquelle ils installent leur quartier général. Ils y résident, y stockent des armes, des vêtements et de la nourriture et ils transforment en écurie une grande cave souterraine située dans le coin sud-est du Mont du Temple. On croyait que ces caves étaient les Écuries de Salomon et que la mosquée Al-Aqsa était connue sous le nom de mosquée du Templum Solomonis parce qu'elle était censée avoir été bâtie sur le site du Temple de Salomon. (Voir notre texte : Jérusalem "Les Écuries de Salomon")

Les chevaliers ont très vite repris cette association dans leur nom : Pauperes Commilitones Christi Templique Solomonici, les Pauvres Chevaliers du Christ et du Temple de Salomon, puis par simplification du nom, on prit vite l'habitude de les appeler: les Templiers.

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