CHEVALERIE ET RÉALISME

Photo extraite du film "Arn, chevalier du Temple". Temple de Paris
Photo extraite du film "Arn, chevalier du Temple".

 

La notion de chevalerie apparaît en Europe occidentale lors du siècle ayant mené à la première croisade. Code social, moral et religieux, la chevalerie met l'accent sur les vertus du courage, du service et de l'honneur. Associé à la piété et à la foi, la chevalerie s'exprime dans les croisades. Godefroy de Bouillon, chef de la première croisade, est considéré comme l'incarnation des vertus de la chevalerie, et les chroniqueurs ont glorifié Baudouin, son frère et successeur, pour les qualités chevaleresques affichées après avoir capturé la femme d'un prince musulman. Découvrant qu'elle était enceinte, il l'a immédiatement renvoyée auprès de son mari, lui témoignant le plus grand respect.

 

Saladin finit par admirer le code chevaleresque des chevaliers francs et se comporte en retour avec courtoisie, montrant parfois une certaine clémence, comme en témoigne son siège du château de Kerak de Renaud de Châtillon. On célèbre un mariage dans l'enceinte du château et, lorsque la femme de Renaud de Châtillon envoie des plateaux du repas festif à Saladin, cantonné à l'extérieur, ce dernier demande, plein de délicatesse, dans quelle chambre le couple est logé afin qu'il ne les bombarde pas pendant leur nuit de noces. C'est pour ce genre de geste que Saladin est devenu une légende dans tout l'univers chrétien, adversaire de valeur et honorable. Certains ont naïvement expliqué ce phénomène en supposant que sa mère devait être anglaise. En fait, Saladin respecte les préceptes de la version islamique de la chevalerie, la futuwwa, terme que l'on pourrait traduire par noblesse.

"Arn, chevalier du Temple". Temple de Paris
Saladin dans "Arn, chevalier du Temple".

 

Mais, en réalité, les relations chevaleresques sont rarement la règle entre croisés et musulmans. Le massacre perpétré par les croisés lors de la chute de Jérusalem en 1099 est honteux, mais n'a rien d'exceptionnel. Les populations qui ne se rendent pas sont condamnées à mort ou à l'esclavage, à l'image des actes de Zengi lorsqu'il s'empare d'Édesse en 1144, ou comme le montrent les Mamelouks lorsqu'ils prennent d'assaut Acre en 1291 et décapitent jusqu'au dernier habitant de la ville. La capitulation n'est pas pour autant une garantie : ainsi, malgré sa promesse, le sultan mamelouk Baybars tue près d'un millier de prisonniers après la chute de Saphet en 1266.

Saladin peut se montrer impitoyable et, si la politique l'exige, il ne recule devant aucun carnage.  C'est un fervent musulman qui abhorre les libres-penseurs, et il a beau avoir de nombreux amis chrétiens, il pense que leur âme est destinée à la damnation. Sa célèbre magnanimité tient en partie à son humanité, mais elle n'est pas dénuée de tout calcul. Il ne recule pas devant un peu de cruauté quand sa politique de la terreur destinée à asseoir sa domination sur l'adversaire l'exige. Au Caire, il ordonne la crucifixion d'opposants chiites et il ne répugne pas à mutiler et exécuter ses prisonniers. Ainsi, après la bataille de Hattin, il massacre de sang-froid ses prisonniers Hospitaliers et Templiers.

Le paiement de la rançon pour sortir de Jérusalem. Temple de Paris
Le paiement de la rançon pour sortir de Jérusalem.

 

En 1187, il semble que seule la menace proférée par les défenseurs francs de Jérusalem de détruire tous les lieux sacrés situés au sommet du Mont du Temple pousse Saladin à préférer une capitulation négociée à son intention première de purifier la ville en versant le sang chrétien.

 

Il accorda à ses habitants chrétiens la possibilité d'en partir moyennant le versement d'un certain montant par tête. Les portes de la ville, désormais sous contrôle musulmans, ne servaient dès lors plus à vérifier et taxer les marchandises entrant dans la cité mais les captifs souhaitant en partir, comme ici en octobre 1187.

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